Au XVII e
siècle, le château de Saint-Géran a été le théâtre d’une affaire hors du commun.
C'est une histoire vraie. Mais digne des romans d'aventure les plus
extravagants. Alexandre Dumas s'est d'ailleurs emparé de cette ténébreuse
affaire pour la raconter de sa plume géniale dans Les Crimes Célèbres.
Le fils
du gouverneur du Bourbonnais est enlevé !
L'action
se situe au XVII e siècle, en plein cœur du Bourbonnais, à
Saint-Gérand-de-Vaux. Nous sommes en 1641. Petit miracle au château de
Saint-Géran. Là, dans ce gigantesque domaine de 135.000 hectares, Suzanne et
Claude-Maximilien de la Guiche attendent un événement aussi heureux
qu'inespéré. Après vingt-deux ans de stériles tentatives, la comtesse est enfin
tombée enceinte. La joie du couple aristocratique est indescriptible. Avec le
petit Bernard, le prénom que les époux projettent si c'est un garçon, la lignée
des la Guiche, l'une des puissantes familles du royaume, serait assurée.
Mais la
cruelle Jacqueline de la Guiche enrage secrètement. Jacqueline est la soeur de
Claude-Maximilien de la Guiche, maréchal de France et gouverneur du
Bourbonnais. Pour cette femme vénale, l'arrivée d'un héritier légitime au foyer
de son frère signe l'arrêt de mort de ses ambitions cupides. Avec cette
naissance imminente, en effet, ce sont tous ses espoirs de s'accaparer
l'immense fortune familiale qui avortent.
Jacqueline de la Guiche échafaude alors
un scénario machiavélique. Elle sera secondée dans son crime par son amant,
Saint-Maixent, par Louise Goliard, une sage-femme sans scrupule et par
Beaulieu, le régisseur du château de Saint-Géran.
Au moment
de l'accouchement, dans la nuit du 15 au 16 août 1641, la petite clique
malfaisante drogue Suzanne de la Guiche à l'aide d'un narcotique. Dès son
réveil comateux, le lendemain matin, la comtesse est informée par la sage femme
qu'aucun enfant n'est sorti de son ventre, qu'il s'agit d'une grossesse
nerveuse.
L'enfant
volé de retour au château
En fait,
la noble dame a réellement mis au monde un garçon. Mais à peine né, son fils,
le petit Bernard, a été enlevé par Beaulieu. Le régisseur du château respecte
ainsi scrupuleusement la conspiration. Il chevauche à bride abattue jusqu'à
Paris pour confier le nourrisson à une nurse payée par Saint-Maixent, l'amant
de Jacqueline de la Guiche. Les années passent. Sous l'identité d'emprunt
d'Henri Beaulieu, le pauvre gosse de riches grandit sur le pavé de la capitale,
ignorant tout du terrible complot dont il est l'innocente victime.
Puis
Saint-Maixent décède. Privée de ses émoluments, la nourrice restitue sans
ménagement l'enfant à Beaulieu. Jusqu'alors rocambolesque, l'histoire vire
carrément à l'épique quand le régisseur de Saint-Géran rapatrie le jeune garçon
au château, en le faisant passer pour son neveu.
Ironie du
sort, Suzanne et Claude-Maximilien de la Guiche ont le sentiment, eux, de
retrouver un fils. Et décident de l'élever comme tel. La comtesse de
Saint-Géran n'a jamais accepté cette version de grossesse nerveuse donnée par
sa sage-femme, Louise Goliard. Plusieurs événements nouveaux lui laissent
maintenant imaginer que, peut-être, une diabolique machination est à l'origine
de la disparition de son enfant. Et puis, c'est l'épilogue à la Hitchcock.
Le procès
à rebondissements passionne la France de Louis XIV
Avant de
mourir empoisonné par Jacqueline de la Guiche qui veut le faire taire, le
régisseur Beaulieu, accablé par le poids du secret, confesse ses péchés au curé
de Saint-Gérand-de-Vaux.
La vérité
éclate enfin au grand jour : le jeune Henri Beaulieu, 6 ans, est bel et bien
Bernard de la Guiche, fils légitime du comte et de la comtesse de Saint-Géran.
Vingt ans d'un retentissant procès à rebondissements, qui tiendra en haleine la
cour de Louis XIV et passionnera la France entière, seront encore nécessaires
pour établir officiellement l'identité de l'héritier.
Ce n'est
qu'en 1666, à l'issue d'un jugement rendu à Paris, que ses titres et
possessions seront restitués à l'infortuné Bernard de la Guiche. Mais malgré
toute sa richesse retrouvée, l'aristocrate bourbonnais ne trouvera jamais la
paix de l'âme. Les blessures de l'enfance ne se referment jamais
.
Antoine Delacou La Montagne Centre
France le 16/07/2015